COTATION DES FILMS | ||||||
Film de peu d'intérêt. En principe, pas de critique d'un tel film sur ce site! | ||||||
Film médiocre ou
d'intérêt ponctuel. |
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Bon film. A voir. | ||||||
Excellent film. | ||||||
Indispensable à la culture cinématographique. Chef-d'œuvre. | ||||||
TABLE DES FILMS | ||||||
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CRITIQUES | ||||||
NB:
LES
CRITIQUES PRESENTEES ICI N'ENGAGENT QUE LEURS AUTEURS !
Les films sont classés dans l'ordre de leur sortie. |
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LA DAME DE PIQUE |
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Film
en muet d'avant la Révolution (1916!). La copie est en
mauvais état.
Pourtant le film ne manque pas d'intérêt, en outre de
l'intérêt
strictement cinéphilique. D'abord, le récit est très
fidèle à la
nouvelle de
Pouchkine, excepté que Protanazov a pris un malin
plaisir à insister
sur les frasques de la comtesse jeune, alors que
Pouchkine ne fait
qu'évoquer ses amants, du moins au moment de la fuite
dans l'escalier.
Les "cartons", sont à deux ou trois exceptions près,
fidèlement tirés
du texte original. Ensuite, le décor regorge de
détails créant une
atmosphère assez authentique, semble-t-il, pour autant
que l'on puisse
en juger. Le montage ne manque pas d'habileté, ni le
jeu des acteurs,
pour un cinéma encore à ses débuts... Hermann,
interprété par Ivan
Mosjoukine, dont la célébrité fut hélas éclipsée par
l'avènement du
parlant, a de l'allure... Enfin, pour l'anecdote,
mentionnons les
trucages encore maladroits, la comtesse ricanant
depuis l'Au-delà au
travers de la carte perdante, et des plans superposés
essentiellement.
Il existe une version allemande de l'œuvre, par l'Ukrainien Rasumny (1927), une version française avec Pierre Blanchar et Margueritte Moreno (1937), une version britannique sous le titre "La Reine des Cartes", par Dickinson (1948), une autre, française encore, du tandem Léonard Kiegel-Julien Green (1964). Mais pour les trouver en DVD, c'est une autre affaire. DVD chez Bach films (environ 10 €, 7,50 € sur leur site). Protanazov, noir et blanc, muet, 1916, 63 min. |
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LA GREVE |
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Le
premier film d'Eisenstein en muet sur un sujet déjà
politique. Assez terne par rapport aux films suivants,
malgré un
intérêt historique évident. Eisenstein
expérimente déjà sa manière de filmer, mais
de façon décousue et maladroite.
DVD chez Bach films (environ 10 €). Sergueï Eisenstein, Mosfilm, noir et blanc, muet, 1924 |
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LE CUIRASSE POTEMKINE |
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Classique
des classiques, un des premiers films d'Eisenstein en
muet,
classé un peu exagérément parmi les meilleurs films de
tous
les temps.
Célèbre pour la scène de l'escalier,
le
génie technique du réalisateur est pourtant
encore loin
d'être à sa maturité. Beaucoup de
"bavardages" et de
longueurs notamment au début. On
décèle
pourtant un intéressant emploi émotif du gros
plan et des
éclairages,
à des fins de propagande évidemment. Les
dialogues sont
donnés sur
des "cartons", que le jeune russisant aura du mal à
intercepter
car ils défilent un peu vite.
Un
DVD Bach films (environ 10 €), que l'on ne peut
guère trouver ailleurs que sur fnac.com. ou sur le site Bach
films.Sergueï Eisenstein, Mosfilm, noir et blanc, muet, 1925 |
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OCTOBREОКТЯБРЬ |
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Ce
film d'Eisenstein en muet est un film de commande pour
célébrer le 10e anniversaire de la
Révolution
d'Octobre. Moins sobre que "Potemkine", plus dynamique
cependant, avec
quelques fantaisies d'auteur. A noter la comparaison
insistante et
explicite entre Napoléon, vieil épouvantail ancré
dans
l'imaginaire des russes depuis 1812 et que l'on
ressort du placard
à des fins de propagande, et Kerenski,
présenté en
zélateur servile et obséquieux du tsar, rien de
moins! A
noter également le fait que Lénine apparaisse
très peu.
Le véritable héros de la Révolution
n'est-il pas
le peuple?
Un DVD Bach fims (environ 10 €). Sergueï Eisenstein, Mosfilm, noir et blanc, muet, 1928 |
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ARSENALАРСЕНАЛ |
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L'Ukraine
entre la fin de
la 1ère guerre mondiale et le début de la
Révolution. Ravagé par la
misère, le pays est aux mains d'un gouvernement provisoire
"réactionnaire". Le héros, Timoch, rentré du front,
travaille à l’usine
Arsenal de
Kiev et milite au parti bolchevik. Il dénonce le
gouvernement au
Congrès du Parti. Bientôt l'insurrection éclate, les
ouvriers
défendent héroïquement leur usine contre l'armée, mais
sont
finalement
massacrés. Dans la scène finale, restée célèbre, Timoch
offre sa
poitrine (cf. jaquette ci-contre)
aux balles de la Réaction.
Un
DVD Bach films, 7 € sur le site Bach films. Les "cartons",
hélas, sont
en français. La copie est d'un état médiocre.Le film de l'ukrainien communiste Dovjenko, est, de son propre aveu, fondé sur l'émotion partisane bien davantage que sur la dialectique. C'était déjà la tendance de son compère Eisenstein à la même époque. D'où la répétition, finalement lassante, de procédés à valeur émotive: gros plans à foison, silhouettages, contre-plongées, sujets mobiles filmés de façon statique, et contre-jours très crus. Si ces techniques participaient à l'expérimentation cinématographique des années 1910 et 1920, ils relèvent déjà du poncif vers 1930, surtout lorsqu'ils tournent, comme ici, au système. Or, l'année suivante, le cinéma entrait déjà dans le parlant! Alexandre Dovjenko, Mosfilm, noir et blanc, muet, 1929. |
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POUGATCHEVПУГАЧЁВ |
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L'histoire
du célèbre usurpateur qui se proclamait le vrai tsar et
qui rallia nombre de mécontents de toutes sortes. Un
personnage
truculent, admirablement interprété, pour une histoire
enlevée et pleine de rebondissements. Vieilli mais
savoureux. Petrovbitov, Mosfilm, noir et blanc, 1937, 101 min. |
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ALEXANDRE NEVSKIАЛЕКСАНДР НЕВСКИЙ |
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Premier
réél chef d'oeuvre d'Eisenstein à notre
sens. Le
film est parlant (1937), la célébrissime et
superbe
musique de Prokoviev est en osmose complète avec
l'action,
le
réalisateur a une maîtrise technique en pleine
maturité, notamment au niveau du montage. Là
encore un
film de propagande, anti-allemande cette fois,
propagande qui sera mise
en
veilleuse
au moment du pacte germano-soviétique, puis servie
à tire-larigot au moment de la grande guerre
patriotique. Le film
raconte
l'histoire du prince de Novgorod qui vainquit les
chevaliers
teutoniques sur le lac Peipous en 1242. Ce mythe
fondateur est
traité avec superbe, avec un élan et un souffle
épique de bon aloi. La prestation de Nicolas
Tcherkassov est
juste ce qu'il faut entre le théatre et le
réalisme.
Le niveau de langue est relativement simple, mais les personnages parlent très vite. A écouter plusieurs fois. Un DVD Bach fims (environ 10 €). Sergueï Eisenstein, Mosfilm, noir et blanc, 1938 |
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PIERRE LE GRANDПЁТР ПЕРВЫЙ |
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Long
film en deux parties qui relate certains aspects,
notamments
militaires, de la geste pétrovienne. La prestation de
Simonov
est excellente et rend bien compte du caractère de
Pierre, tsar
bon
vivant, curieux, plein de santé, avec des manières
simples pour ne pas dire paillardes, et en même temps
avec ses
traits de génie qui ont modelé la RUSSIE moderne.
Encore
plus étonnante est l'interprétation de Tcherkassov: le
même qui incarna Nevski ou le Terrible joue à
merveille le
fils de Pierre, Alexeï, personnage halluciné, pleutre,
mystique, et que son père détestait.
On regrettera que l'oeuvre politique et sociétale du premier empereur de Russie ne soit que partiellement évoquée, comme par exemple la mise au pas de la noblesse et de l'Eglise. Alors que paradoxalement le film souffre de certaines longueurs. Mais reste un bon film historique, avec une mise en scène soignée suscitant un intétêt constant. Petrov, Mosfilm, 1937-1939, noir et blanc, 99 et 97 min. |
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SOUVOROVСУВОРОВ |
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Le
film raconte la fin de la carrière du célèbre chef
militaire, génie
tactique, forte personnalité appréciée de la grande
Catherine et adulée
de ses hommes: la disgrâce lors de l'avènement de Paul
Ier en 1796,
l'exil, le rappel par le tsar sous la pression des
Autrichies, au
moment de la deuxième Alliance, pour mener la campagne
d'Italie, le
passage du Saint-Gothard dans les Alpes, la retraite
enfin, après
l'encerclement par les troupes françaises. Le vieux
chef réussira à
ramener son armée en Russie en évitant la reddition,
ce qui en fait un
chef invaincu.
Le film insiste sur l'attachement des hommes à son chef, avec une galerie de portraits des "grognards" russes, habitués à voler de victoires en victoires avec lui aux quatre coins de l'Europe. Mais son caractère impitoyable n'est pas dissimulé (cf. la scène où l'un de ses généraux est fusillé sans jugement pour avoir mal traduit un document rédigé en allemand), ni non plus son côté cabot (voir la scène où il est reçu à la cour, et où il s'incline devant un laquais, au grand scandale des princesses perruquées et poudrées). Souvorov est interprété par Nicolas Tcherkassov de façon parfaite sous tous ces aspects; comme d'habitude le très talentueux acteur crève l'écran et étouffe tous les autres rôles. Quoique parlant, le film n'a pas rompu avec la sympathique habitude des "cartons" du cinéma muet. Il est vrai que l'auteur de "La Mère" était un maître du genre, il en a même théorisé l'emploi, notamment au niveau du montage, du cadrage, etc. Et on lui a reproché de s'être mal adapté au parlant. Pourtant, avec les films à caractère historique de cette période (il a tourné également un "Minime et Pojarski" l'année précédente), il s'en tire encore plutôt bien. C'est donc l'occasion de redécouvrir un pionnier du cinéma, qui a été excessivement décrié pour avoir sombré dans le pompiérisme stalinien à la fin de sa carrière. Vsevolod Poudovkine et Anton Doller, Mosfilm, 1940, noir et blanc, 101 min. |
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IVAN LE TERRIBLEИВАН ГРОЗНЫЙ |
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Film
en deux parties d'Eisenstein, chef d'oeuvre du
cinéma
parlant et pleine maîtrise des techniques: cadrage et
prise
de
vue, montage,
emploi du clair obscur en huis clos. La prise de vue
reste assez
statique cependant, on est plus proche du théâtre
filmé que du cinéma. Une troisième
partie
était prévue qui n'a jamais vu le jour. A noter
l'emploi
de la couleur dans la deuxième partie, grâce aux
pellicules
Agfacolor récupérées chez les
Allemands. Le
jeu de Nicolas
Tcherkassov là encore dans la pleine tradition
théâtrale, est inoubliable, il est
Ivan IV.
L'intensité dramatique de l'étude psychologique
est à son comble dans la deuxième partie. Le film a l'immense mérite, en plus de ses qualités cinématographiques propres, de poser un questionnement intéressant sur la Russie moscovite en pleine essor. Le rôle des boyards est en effet tellement négatif pour l'unité russe, que l'on en excuse presque la tyrannie sanguinaire du Terrible, qui s'exercera surtout à partir de la mort de sa femme Anastassia en 1560. Staline avait interdit la projection de la deuxième partie, qui ne sera possible qu'à partir de 1958, parce que, dit-on, il y avait reconnu une charge contre sa propre tyrannie. Une autre explication paraît plus vraisemblable : il ne voulait pas voir et montrer un tsar sans volonté, à tout le moins partagé entre son sens du devoir, sa perception de l'absolu, et son dégoût du monde qui l'entourait... Le russe est compréhensible en prêtant une oreille attentive. Deux DVD Bach fims (environ 10 € chacun). Sergueï Eisenstein, Mosfilm, noir et blanc et couleur, 1943 |
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KOUTOUZOVКУТУЗОВ |
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Un
peu
verbeux et long, mais le héros qui vainquit Napoléon
après la prise de Moscou est admirablement campé:
sentencieux à souhait, habité par son devoir,
respecté de ses hommes. Napoléon
lui même, l'ennemi, le diable, n'est pas si mal
interprété, sans charge excessive, à peu
près comme il fut vraisemblablement, solitaire et
génial,
mais aveuglé par ses erreurs. Surtout si l'on pense
qu'il s'agit
d'un film de commande à des fins de propagande, Borodino
étant le parallèle de Stalingrad et la retraite de la
grande Armée préfigurant celle de l'armée
allemande. Une bonne épopée historique
donc, malgré quelques longueurs.
Petrov, Mosfilm, noir et blanc, 1943, 113 min. |
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ANNA KARENINE |
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Deux
pointures
françaises, Duvivier, l'inoubliable réalisateur de
"Pépé le Moko" et de "La Bandera", connu aussi pour
ses "Don Camillo";
et Anouilh, pour cette fois scénariste, portent à
l'écran la
célébrissime œuvre de Tolstoï, dans un film...
britannique! Et avec une Vivian Leigh, qui, quoiqu'ayant
pris un léger
coup de vieux depuis "Autant en emporte le vent" (elle
est déjà
tuberculeuse), incarne à jamais une
certaine culture américaine. Etonnant ! Quoiqu'on dise,
le film reste
certainement la
meilleure adaptation non russe du roman. Après la
version contemporaine
et insipide de B. Rose avec l'ennuyeuse Sophie Marceau,
on revient
quelques instants avec plaisir aux canons du cinéma des
années 30 et
40.
Anna trompe ouvertement son mari (Ralph Richardson, lugubre à souhait) avec Vronski (Kieron Moore, parfaitement séduisant, cheveux gominés, fine moustache, le profil du séducteur bien élevé). Les deux amoureux s'offrent un voyage à Venise, rien de moins. Le mari notoirement cocu refuse de divorcer comme de voir sa femme, et lui interdit la visite de leur fils Alexeï. Finalement coupée de tous, même de son amant, désespérée et rongée par le remords, assez lunatique aussi, Anna se jette sous un train. Jeu d'acteurs formel, montage soigné, le film est surtout servi par une photographie extraordinaire, en pleine maîtrise du clair-obscur et de la profondeur, avec ces cadrages millimétrés que l'on ne voit plus guère, il faut bien l'avouer. La scène finale du suicide sous la grosse locomotive à vapeur est un modèle du genre, quasi-hitchcokienne. Le film a pu être qualifié d'académique, voire d'ennuyeux (D. Collin). Il est vrai que les acteurs épuisent leurs rôles, les situations sont parfois assez convenues. Mais l'ensemble reste de bonne tenue. Reste qu'il est toujours étrange de revivre une histoire russe dans un anglais si... british! Il existe trois autres versions, américaines: celle d'Edmund Goulding (1927), avec Greta Garbo, celle de Clarence Brown (1935), encore avec Garbo, version parlante mais beaucoup plus plate de la première, et celle de Bernard Rose (1997), déjà mentionnée. Côté russe, on peut recencer celle en muet de Vladimir Gardine (1914) et celle d'Alexandre Zarkhi avec la belle Tatiana Samoïlova, ou encore celle de Serge Soloviov, récemment tournée. Duvivier, London Film, noir et blanc, 1948, 108 min. |
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J'ME BALLADE A MOSCOUЯ ШАГАЮ ПО МОСКВЕ |
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" - Ты любишь меня, да...да, или да...нет?" " - Гражданин! - Что? - Иди сюда. - Зачем? - Иди-ка, иди-ка. - Что? - Спой ещё. - Да, ну..." |
La
façon de
saisir l'instant
dans la tourmente de la ville,
de jouer avec le noir et blanc, avec parfois une tendre
ironie, de
filmer à hauteur du sol; la présence discrète des
pigeons, les
jupes à mi-mollet et les talons, les mioches et les
poulbots, tout
concourt dans ce film à cette poésie citadine des bancs,
des
trottoirs et des quais que l'on retrouve chez maints de
nos écrivains
et cinéastes.
Et comme la présence de l'urbanisme moscovite est très
discrète à part
deux ou trois
vues générales ou quelques plans de la Cathédrale Saint
Basile et du
Kremlin, on
peut se prendre sans peine à vagabonder dans le Paris
des années 1960,
c'est-à-dire le Paris auquel on n'avait pas encore
imposé le
Centre Beaubourg et autres laideurs technocratiques de
verre et
d'acier, en comparaison desquelles les "Sept sœurs"
staliniennes,
quoique monumentales, nous paraissent d'une
élégance toute classique.
Le leitmotiv musical, courte ritournelle primesautière déclinée sur tous les tons, accompagne agréablement les rebondissemments de l'intrigue. Cette dernière est d'ailleurs sans grand intérêt et n'est qu'un prétexte à la trame de cette "comédie lyrique" : un jeune ouvrier vient à Mscou depuis sa lointaine taïga rencontrer le rédacteur en chef du journal Юность, pour lequel il a écrit un récit. En une journée, il se fait de nouveaux amis et découvre avec eux la turbulente vie moscovite. On retrouvera avec plaisir Nikita Mikhalkov (au centre de la jaquette ci-contre), alors à peine âgé de 18 ans, mais qui tenait déjà là son cinquième rôle! Et il avait déjà l'œil malicieux et le verbe haut qu'on lui connaît aujourd'hui plus que jamais. Un film sans prétention, mais fort sympathique. Quant à trouver le DVD, il faut se rendre dans un pays de la CEI, et même à Moscou, ce n'est pas gagné. Mais on peut regarder le film en ligne ici, c'est toujours mieux que rien! Georgi Daniela, Mosfilm, noir et blanc, 1963, 78 min. |
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LE DOCTEUR JIVAGO |
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Une
histoire de russes par un écrivain russe mise à
l'écran par un réalisateur américain. Le
réalisateur de "Lawrence
d'Arabie",
a le seul mérite, et il n'est même pas sûr que ce
soit un
avantage, de rendre lisible l'intrigue de Pasternak,
assez
emberlificotée il est vrai. Mais les
personnages sont sans épaisseur, l'impulsion dramatique
est
absente ! Un succès bien surfait, malgré la brillante
distribution et les moyens consentis. Gageons que la version de Prochkine (2005, avec Oleg Menchikov) soit meilleure ! David Lean, Mosfilm, couleurs, 1965, 210 min. |
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ANDREÏ ROUBLEVАНДРЕЙ РУБЛЁВ |
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Sorte
de
"biographie métaphysique" du célèbre peintre d'icônes, le
moine
Andreï Roublev, au début du XVe siècle dans la
Russie occupée par les
tataro-mongols, le film se divise en deux parties comprenant
un
prologue, huit tableaux et un épilogue. 1ère partie: Prologue : un paysan s'envole à bord d'une mongolfière artisanale, mais finit par s'écraser. Une scène-symbole sur l'impuissance de l'homme à atteindre les altitudes de la Vérité ? Cette scène préliminaire, qui se ferme sur l'allégorie d'un cheval à l'agonie, d'une étrange beauté plastique, semble déconnectée du film, mais elle est au contraire à recontextualiser dans l'œuvre. Tableau 1 : "L'histrion". Trois moines peintres d'icônes, Andreï, Daniel, et Cyrille, par un fort orage, trouvent refuge dans une baraque où un histrion, sorte de bouffon quelque peu bouscule-conventions et blasphémateur, divertit la populace. La soldatesque du Prince surgit et emmène l'histrion. Tableau 2 : "Théophane le Grec". Cyrille rencontre Théophane, le célèbre maître de l'icône, qui lui demande de l'assister. Cyrille finit par accepter à condition que Théophane fasse une demande devant l'Evêque et Andreï, ami et rival de Cyrille. Mais Théophane envoie quérir Andreï pour peindre avec lui la cathédrale de l'Annonciation du Kremlin. Cyrille dépité part avec fracas. Tableau 3 : "La Passion selon Andreï". Andreï prend la route avec un jeune assistant et un vieil homme et discute du Bien et du Mal à travers l'exemple de Jésus-Christ. C'est là que sont exposées les incertitudes métaphysiques du peintre. Tableau 4 : "La Fête". Caché, Andreï assiste à une fête païenne, la "Nuit de l'Amour". Découvert, il est ligoté et crucifié avant d'être libéré par une jeune femme tentatrice. Le lendemain, les soldats pourchassent un des couples impies, dont la femme est la libératrice d'Andreï. Elle s'enfuit, nue, à la nage. Andreï la laisse passer sous sa barque sans intervenir. Tableau 5 : "Le Jugement dernier". Arrivé dans l'église qu'il doit décorer, Andréï ne se résoud pas à peindre les figures effrayantes du Jugement dernier, qu'il juge antagogonistes à sa religion, religion d'amour. 2e partie : Tableau 1 : "L'invasion". Les cavaliers Tatars, auxquels s'est allié le frère du Prince russe, mettent la ville à feu et à sang, y compris l'église où se sont réfugiés un grand nombre de paysans, dont Andreï et une jeune fille muette. Pour la sauver, Andreï tue un homme. Tableau 2 : "Le silence". Andreï, revenu parmi les moines, fait pénitence pour son meurtre. Il fait vœu de silence et renonce à son art, c'est-à-dire au don qu'il a reçu de Dieu. Tableau 3 : "La cloche". Le Prince veut faire construire une nouvelle cloche mais l'homme qu'il a choisi est mort. Le fils de ce dernier, un jeune homme encore adolescent, affirme connaître le secret de la fonte et s'attelle à l'œuvre. Il surmonte vaillamment les difficultés, enfin la cloche sonne! Il avoue alors n'avoir jamais connu le secret dont il s'était vanté, c'est sa grande tristesse. Devant la détresse du jeune graçon, capable d'une si noble réussite, Andreï rompt son vœu, et se réconcilie avec sa foi en acceptant sa condition: il n'est qu'un instrument de Dieu. Epilogue : Seule partie en couleurs du film, Tarkovski nous présente en un long plan séquence la célèbre icône de la Trinité, le chef-d'œuvre d'Andréï Roublev. Extrêmement riche, emplie de références, de symboles et de questionnements, "Andreï Roublev" est une œuvre qui témoigne de la forte personnalité de son réalisateur. Ayant connu quelques vicissitudes en URSS au moment de sa sortie, elle est remarquée en Occident et même primée. Elle est incontestablement à redécouvrir quelque 40 ans après, à la fois en raison du contexte spirituel de la Russie actuelle, mais aussi en regard de la société radicalement profane qui a triomphé en Europe occidentale. Au plan formel, le film inaugurait quelques façons de filmer très personnelles chez un auteur déjà solidement formé. Les dialogues, par exemple. Filmés en plan moyens sur des sujets pas toujours statiques, on est loin de la convention champ / contre champ. En effet, on trouve un décalage formel créant un effet de rupture : soit les personnages regardent dans des directions opposées, soit ils ne sont pas sur le même plan ou à la même hauteur, etc. Le dialogue entre Théophane et Cyrille est une illustration frappante de cette technique "décalée". La façon de présenter l'icône de la Trinité à la fin du film est elle aussi très particulière, puisque la caméra va du particulier au général, montrant d'abord longuement en très gros plan les couleurs, la structure de la peinture, et ne prenant du recul presqu'à regret pour nous laisser enfin découvrir l'œuvre dans son ensemble, et encore, après avoir musardé sur de nombreux détails en plan serré. L'emploi du plan serré se retrouve d'ailleurs tout au long de l'œuvre. Le noir et blanc est contrasté, net, viril. Il rappelle celui d'Ivan le Terrible dans la scène de l'exil, par exemple. Les blancs prennent toute leur force avec la scène dans l'église : ajoutés à l'écho du lieu, ils soulignent la profondeur des interrogations d'Andréï. Avec les scènes relatant l'invasion des Tatars ou l'épopée de la fonte de la cloche, véritable morceau de bravoure, Tarkovski revient momentanément à l'académisme des scènes d'action, sans doute pour laisser respirer le spectateur qui en a bien besoin à ce moment-là. La méthode narrative est tout aussi originale, puisque Tarkovski a choisi de peindre des tableaux bien distincts, relatant des événements disjoints et pris dans une période d'une vingtaine d'années. Le procédé évacue une bonne partie de la trame narrative et rend encore plus difficile la lecture de l'œuvre, tout en l'enrichissant. Exigeant et caractéristique du cinéma d'auteur, loin des normes commerciales, il oblige le spectateur à reconstituer l'itinéraire personnel d'Andreï, en plusieurs visionnages si nécessaire, à la manière justement dont on étudie un peintre à travers ses œuvres. Au niveau des références, on pourrait consacrer une étude complète au film. Si l'on se raccroche à des références occidentales, le film fait davantage penser à Bargman qu'à Bresson, y compris d'ailleurs au plan formel, et quelquefois à Dreyer. L'angoisse métaphysique d'Andreï ne manque pas d'évoquer les personnages tourmentés de Dostoïevski. On a parlé de la "russité" du film, mais c'est là le genre de lapalissade qui n'apporte rien de bien substantiel. De nombreux symboles parsèment le film, chrétiens ou profanes. Parmi ceux-ci, le feu, et surtout l'eau, très présente sous toutes ses formes, et qui évoque déjà le futur "Stalker". Les problématiques soulevées par le film sont multiples. Celle qui a été le plus communément évoquée est celle du rapport de l'artiste à la société, et l'on n'a pas manqué d'effectuer le parallèle entre Andreï Roublev dont le Prince a fait crever les yeux et Tarkovski lui-même, qui ne put s'exprimer librement dans son pays, censuré et victimes de nombreuses tracasseries. Mais si de réelles difficultés ont certes pu exister, ce genre de d'exégèses à la mode justifie souvent des analyses politico-philosophiques assez incongrues en l'occurence, tout en évinçant commodément la dimension métaphysique du film. Pourtant celle-ci est prépondérante, c'est sur elle qu'il faut se concentrer, même si elle se présente sous la forme difficile du doute et de l'interrogation: la violence est-elle de l'autre monde? Doit on la représenter ? Pourquoi Dieu la permet-il dans ce monde-ci? Pourquoi Dieu permet le Mal ici-bas ? Le Bien n'est-il qu'Amour? Que doit représenter l'artiste, responsable de son œuvre aux yeux de Dieu, mais aussi devant le peuple édifié par celle-ci ? Peut-il refuser d'exercer un don qui lui vient nécessairement de Dieu ? Un DVD collector, édité en 2005 par mk2, assez cher (40€), mal structuré (la 2e partie est bien sur le 2e DVD!), avec une bande son mal égalisée (les voix sont parfois trop faibles), mais une image parfaitement restaurée et quelques bonus intéressants. Voir aussi le site DVD classik, où l'on trouve une bonne analyse du film et du DVD. Andréï Tarkovski, Mosfilm, noir et blanc et couleurs, 1966, 175 min. |
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БРИЛЛИАНТОВАЯ РУКА(UN BRAS EN DIAMANTS) |
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...
OU
LES RAISONS D'UN SUCCES
Comment expliquer en URSS l'énorme succès de cette comédie, rigoureusement inconnue en Occident (y compris dans les obscurs ciné-clubs où traînent encore quelques mordus), inconnue comme d'ailleurs l'ensemble des comédies de l'époque soviétique? Au moment de sa sortie et jusqu'à nos jours, des générations de russes en ont bu chaque scène et appris par cœur les répliques. L'explication la plus répandue est que le film montrait un citoyen soviétique moyen, l'inénarrable Semion Semionovitch Gorbounkov (Youri Nikoiline), qui réussissait à voyager à l'étranger, à sortir de l'URSS. Les répliques de sa femme Nadia lui demandant à son retour, dans le lit conjugal, "А ты Софи Ларен видел?" et "А ты кока-колу пил?" sont les plus amusantes, mais aussi les plus révélatrices de l'attrait énorme du "monde libre", ou tout simplement l'attrait de l'interdit, pour des citoyens qui osaient à peine rêver de sortir un jour du pays. Il y a aussi la critique à peine voilée du système soviétique et de ses mesquineries, critique concentrée ici sur le personnage de l'Управдом (le terme pose évidemment un problème de traduction), représentant d'un système politique qui s'immisce jusque dans les foyers, avec ses slogans et sa morale ("Пьянству-бой", "Наши люди в булочную на такси не ездят".), et qui se retrouve ici parfaitement ridiculisé: "Может, там собака - друг человека, а у нас управдом - друг человека." Il y a encore les libertés que prend le réalisateur, et qui sont passées à travers les fourches caudines de la Mosfilm. Les gags à répétition autour de la prostituée turque sont un petit chef d'œuvre du jeu d'acteur... et du dialogue "multilingue"! L'interjection цигель, цигель, ай-лю-лю est même passée dans le langage courant. La fameuse scène avec le soutien-gorge surtendu de la blonde platine Svetlana Svetlichnaïa, gag hénaurme d'un goût plus médiocre, rompait également quelque peu avec le puritanisme de cette même morale, et révélait pour autant de bonnes qualités parodiques (voir ci-après). La scène où Kozodoev croit voir un Sauveur sur la lagune montrait également une belle liberté de ton. Il est certain que tout cela a du réjouir bon nombre de spectateurs soviétiques de l'époque. Mais de nos jours? Comment expliquer cette pérennité dans le succès? Bon nombre de gags ne se comprennent et surtout ne s'apprécient que dans un contexte soviétique. Alors ? Comment expliquer ? Sans doute parce que le film évoque maintenant par contrecoup la nostalgie d'une époque où l'on pouvait encore rêver. Car maintenant que le capitalisme et ses facilités équivoques tiennent la Cité, c'est trop tard. On ne va pas regretter les Soviets, Dieu nous en préserve, mais pourtant tout ça ressemble à l'histoire de Charybde et Scylla de nos classes de latin. Et puis aussi la comédie comporte quelques qualités intrinsèques, rendons-lui cette justice! Hors la présence des trois ou quatre "monstres sacrés", dont bien sûr le sémillant красавчик à la mèche rebelle, Andreï Mironov, on trouve au long de cette comédie bien montée et bien rythmée une musique - et des chansons - excellentes, un générique à la Audiard, quelques bruitages à la Hulot, et de nombreux gags qui fonctionnent, même s'ils sont parfois en effet d'un goût inégal. Certains sont même novateurs, comme le découpage très inattendu du film en deux parties disproportionnées, avec entre elles un illisible et furtif "résumé des épisodes précédents" ! Et enfin, pour compléter le tout, quelques parodies du cinéma occidental bien senties : le rêve de Kozodoev avec le chat vengeur ("Psychose" et "Les oiseaux" ne sont pas loin), ou bien le duel final dans la station de lavage. Parodier le western avec un pot d'échappement à la main, il fallait quand même le trouver! Quoiqu'il en soit, ce film est indispensable à tout russisant! Nous vous proposons ci-après l'intégralité des dialogues en russe, découpées en 30 scènes, avec en regard une proposition de traduction en français. Le russe vaut pour l'aspect synthétique du registre parlé et quelques argotismes. Notez aussi : les verbes de mouvement, encore et toujours, un intéressant разъездиться, et la déclinaison des formes courtes des prénoms et patronymes. Nous avons choisi quelques répliques cultes (en rouge), mais ce genre de sélection est difficile... Notre réplique préférée est très lapidaire: "Шанпанское
по утрам пьют или
аристократы или дегенераты." Faites votre choix !
Un DVD RUSCICO. Ou, pour ceux qui bourlinguent, n'importe où dans l'espace post-soviétique ! Privilégiez les copies avec les sous-titres russes, à cause des dialogues parfois très parlés. Voir aussi notre étude dans la rubriques "TEXTES". Léonid Gaïdaï, Mosfilm, сouleurs, 1969, 100 min. |
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IVAN VASSILIEVITCH CHANGE DE PROFESSIONИВАН ВАСИЛЬЕВИЧ МЕНЯЕТ ПРОФЕССИЮ |
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A
vrai dire, la perspective de voir une comédie, genre réputé
mineur, et
de surcroît tournée dans l'URSS des années Brejnev n'avait
rien pour nous enchanter de prime abord. Surprise ! Inspiré
de
la comédie de Mikhaïl Boulgakov "Ivan Vassiliévitch", le
film
est d'une drôlerie redoutable, et tous les amateurs de la vis comica
au cinéma y trouveront leur miel. Pourtant incroyablement
kitsch avec
ses couleurs claquantes et son design
des années 1970, le film est
rythmé, l'histoire bien montée, pleine de rebondissements,
de clins
d'œil et de gags réellement efficaces. C'est une sorte de
Benny Hill
Show mélangé aux Visiteurs, et l'on ne s'ennuie jamais. L’inventeur Chourik a construit dans son appartement une machine à voyager dans le temps. Le gérant de l’immeuble, sosie et homonyme du tsar Ivan le Terrible, et le voleur de bas étage Miloslavski sont projetés au palais du Terrible, et le tsar, lui, se retrouve dans l'appartement de l'inventeur. On alterne ensuite entre le XVe et le XXe siècle, et aux deux époques les gags s'enchaînent à un rythme soutenu, jusqu'à ce que finalement chacun rentre chez lui. Parmi les meilleurs gags : le chat noir séché avec une serviette ornée de motifs... en forme de chat noir, Ivan le Terrible s'asseyant par mégarde sur un magnétophone, ce qui lance une chanson de Vyssotsky, Miloslavski qui tend un bic à Ivan Vassiliévitch pour signer un oukaze, les deux compères emmêlés dans les cloches du Kremlin. Le film fait clairement référence au "Ivan le Terrible" d'Eisenstein. Pour en apprécier toute la saveur, il est donc préférable de l'avoir vu au préalable. Il était temps de rendre hommage à la mascote qui orne le menu de la page d'accueil de ce site... voilà qui est fait! |
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DERZOU OUZALA |
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Chef
d'œuvre
d'humanité, un fim très complet. Un film
soviétique...
tourné par le Japonais Akira Kurosawa, alors au sommet de
son
art (mais après avoir essuyé l'échec du déroutant
"Dodeskaden"). Le
film raconte les expéditions du topographe de
l'armée impériale Arséniev au début du
XXe
siècle dans la région de l'Oussouri. Mais
également et surtout l'histoire d'une amitié
entre Arséniev et un chasseur de zibelines,
un golde nommé
Dersou. La
narration est superbe, sobre et efficace (un seul plan
américain de tout le film et aucun gros plan!), avec une
retenue, une
pudeur
presque, qui nous met loin, très loin, des
superproductions
américaines qui commençaient
déjà à
sévir à l'époque. L'acteur Maxime
Mounzouk dans le
rôle de Dersou est criant de vérité. La
musique se
fond idéalement dans une photographie qui n'a rien
à
envier à Arthus-Bertrand. A voir et à revoir. Un
régal pour les enfants et les adultes. Un
régal également pour les grands
débutants en
russe, car Derzou parle un russe approximatif et les
hommes d'Arséniev
ne font pas de longues dissertations !
Le DVD est difficile à trouver. Le livre (les carnets de route d'Arséniev), œuvre très populaire en Russie, existe aussi, dans la collection "J'ai lu", par exemple. Il regorge d'observations d'intérêt ethnographique ou naturaliste, et offre quelques anecdotes supplémentaires avec Dersou, que Kurosawa n'a pas pu ou voulu mettre à l'écran (la scène de l'incendie de forêt, par exemple). Akira Kurosawa, Mosfilm, couleurs, 1975 |
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BORIS GODOUNOVБОРИС ГОДУНОВ |
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Le
tsar ambitieux et rongé par le remord, les intrigues de
Chouïski, les faux Dimitri, tout y est. Cette fresque
historique
complète ne manque pas de souffle, pourtant Boris
Godounov,
interprété par Bondartchouk
lui-même, manque d'épaisseur. N'est pas Tcherkassov qui
veut! En tous cas, cette version, un peu
longue, est largement
supérieure
à celle de Zulawski tournée deux ans plus tard. Sergueï Bondartchouk, Mosfilm, couleurs, 1987, 140 min. |
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VENT D'EST |
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En
1945, les Alliés livrent des millions de citoyens
soviétiques à Staline en vertu des accords secrets de
Yalta. Ces "traîtres" seront soit exécutés, soit
déportés. Mais les soldats de la 1ère armée
nationale russe, originaires des pays Baltes annexés
par l'URSS
en 1940, ou d'Ukraine, et ayant combattu l'armée rouge
sous l'uniforme
allemand, réussissent à prendre la fuite à la
suite de leur général, le général
Smyslowosky, un aristocrate finlandais. Il sont
recueillis par.... le
Lichtenstein, dont
le prince fait montre d'un courage incroyable face aux
pressions et
à l'arrogance des soviétiques, vainqueurs tous
puissants.
Les soldats doivent affronter la propagande des
commissaires
dépêchés sur place pour les convaincre de
retourner vers la mère patrie. Smyslowosky
les prévient avec insistance que s'ils choisissent le
retour,
c'est la mort... Effectivement, ce sera la mort pour
tous ceux qui ne
suivront pas leur chef en Amérique du Sud, car le
minuscule
Lichtenstein
ne peut les héberger indéfiniment...
Un sujet rarement traité, Mcdowell est excellent dans le rôle de Smyslowosky (son épouse est magnifiquement interprétée également). Robert Enrico, couleurs, 1994, 92 min. |
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SOLEIL TROMPEURУТОМЛЁННЫЕ СОЛНЦЕМ |
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En 1936, Le colonel
Sergueï
Pétrovitch Kotov (Nikita
Mikhalkov),
héros de la Révolution, passe un jour de congé dans sa
datcha en compagnie de sa jeune femme, Maroussia
(Ingeborga
Dapkunaite), de leur fille Nadia (Nadejda Mikhalkov),
la fille du réalisateur), de parents et d'amis. Malgré
un épisode de dékoulakisation
qui aurait pu tourner au tragique, mais que Kotov résoud en jouant de
sa notoriété, cette journée est sous le signe de la
détente et de la
joie.
Dimitri (Oleg Menchikov), un jeune homme qui a été amoureux de Maroussia huit ans auparavant avant de disparaître sans donner de nouvelles, revient ce jour-là. Il travaille à présent pour le NKVD et a reçu l'ordre d'arrêter Sergueï. La rivalité politique et amoureuse éclate entre les deux hommes, mais Sergueï demande à Dimitri de ne rien dire à personne et de faire comme si de rien n'était jusqu'à l'arrivée de la voiture du NKVD... Beaucoup a été écrit sur ce film sensible et de violence contenue sur fond de tragédie historique. Il a même été pris comme support pédagogique dans un manuel d'apprentissage du russe ; son succès a été mérité. Un des personnages évoque lui-même l'atmosphère de "La Cerisaie", qui règne dans la première partie du film, c'est à dire jusqu'au moment ou tout bascule dans une tragique et violente logique d'arrestation politique, mêlée de vengeance personnelle. On pourrait penser aux tableaux de Chichkine, ou, pour rester français, à ceux de Renoir, ou encore au film de son fils Jean Renoir, "Partie de Campagne", d'ailleurs tourné en 1936. La scène se passe dans un village d'artistes, dans un cadre bucolique, tout au long d'une seule journée. Il y a pour ainsi dire unité de temps, de lieu et d'action. Le jeu d'acteur a la part belle, ceci et cela en font une œuvre classique. Malgré l'environnement idéologique très fort de l'époque (les exercices de défense civile, les défilés des pionniers, une fête à la gloire de Staline), il flotte comme une odeur de l'ancien monde, du monde cultivé et paysannier d'avant la Révolution. Un certain art de vivre partagé entre parents et amis, un goût de la vie qui est en train de disparaître... Une estampe dans laquelle la tendresse et l'humour ne sont pas absents, mais qui sera déchirée par l'Histoire. Les rapports psychologiques sont traités avec une pudeur, une retenue qui contribuent à l'émotion. Le tout est servi par une photographie et une musique superbes. L'allégorie de ce "soleil trompeur", nom d'un tango de l'époque, matérialisé par une boule de feu en folie dans quelques scènes, est certes vraisemblablement celle de l'illusion atrocement déçue d'un monde meilleur promis par l'idéologie communiste, et que rend aussi dérisoire que ridicule ce portrait géant de Staline flottant au dessus des blés ; mais aussi celle de l'amour manqué et impossible. Un grand film. Un DVD RUSCICO. Nikita Mikhalkov, couleurs, 1994, 153 min. |
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LE PRISONNIER DU CAUCASEКАВКАЗСКИЙ ПЛЕННИК |
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Il
s'agit d'une adaptation moderne de la nouvelle de
Tolstoï pendant la
1ère guerre de Tchétchénie. Le film est sorti
sur les écrans en Russie
alors que les accords de Kassaviourt n'étaient pas
signés, ce qui
accroît considérablement son intérêt et aussi
certainement son courage
politique, surtout en regard du larmoyant "Пленный"
d'Alekseï Utcjtel
tourné en 2008.
Sacha, sergent dans l'armée russe (Oleg Menchikov) et le simple soldat Vania (Serguéï Bodrov junior) sont les seuls survivants d'une embuscade tendue par des Tchétchènes dans un défilé. Faits prisonniers par le chef de bande local, Abdul, les voilà enchaînés l'un à l'autre et placés sous la surveillance d'un garde-chiourme, un brave homme muet. La fille cadette d'Abdul, Dina, s'occupe de leur subsistance. Un lien se crée entre Vania et Dina. Abdul a un fils prisonnier en ville, chez les Russes, et il compte l'échanger contre les deux soldats. L'échange échouant une première fois, Abdul les oblige à écrire à leurs mères, pour qu'elles interviennent auprès de l'officier responsable de la garnison, un officier désabusé et lucide. Sacha est orphelin, mais la mère de Vania accourt dans le Caucase pour tenter de sauver son fils. Entretemps, les deux prisonniers s'évadent, mais sont rattrappés, et Sacha est égorgé. Le fils d'Abdul étant peu après exécuté, Abdul emmène Sacha en haut de la montagne... mais l'épargne en tirant à côté. On notera les invraisemblances au plan militaire (la réaction à l'embuscade, et surtout la scène de déminage de fortune, de nuit, à la lueur des phares de camion, totalement invraisemblable), mais là n'est pas l'important. Le jeu de nos deux russes est parfait, et les rôles tenus par les Tchétchènes sont remarquables, que ce soit Abdul ou sa fille à peine nubile Dina (Сусанна Мехралиева), qui remplit son rôle avec juste ce qu'il faut de dignité et de pudeur. On note même une fugitive note d'érotisme contenu, qu'on n'observe plus guère dans le cinéma contemporain, au voyeurisme souvent vulgaire, malheureusement. La scène chez un chef rebelle tchétchène festoyant avec ses hommes et nos deux héros sonne juste, on pouvait craindre à cet endroit une dérive à la Rambo, mais ce n'est pas le cas. La sobriété du montage, la discrétion de la musique, la netteté de la photographie - les paysages magnifiques rappellent le mont Liban, avec ses villages en terrasse - concourent heureusement à l'efficacité du film. L'absurdité de destins individuels dans les circonstances particulières la "sale guerre" de Tchétchénie est mise en exergue, sans les dénonciations convenues des cohortes de moralisateurs à la Bernard-Henri Lévy, prenant la pose dans les ruines - quand les corps sont froids. Au total, du bon cinéma. Le russe très parlé nécessite un décryptage, mais qui n'est pas insurmontable, loin de là. Sergueï Bodrov, couleurs, 1996, 100 min. |
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EST OUESTВОСТОК-ЗАПАД |
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Le
film de Régis Warnier ("Indochine") réunit la
talentueuse Sandrine
Bonnaire au visage anguleux et au sourire lumineux, le
séduisant Oleg
Menchikov et notre Catherine Deneuve nationale. On a
parlé d'un trio,
pourtant c'est le duo Bonnaire-Menchikov qui occupe le
devant de la
scène, la fonction de Deneuve se réduisant à fournir
un témoignage,
certes intéressant mais discret, sur cette
"intelligentsia" française qui s'est compromise dans
le soutien au communisme
universel et radieux sans que cela ne gênât personne à
l'époque.
On a oublié le jeu parfait du jeune Serguéï Bodrov, mort accidentellement en 2002, dans le rôle du champion de natation qui passe à l'Ouest... et qui co-signe le scénario du film. Il faut aussi mentionner les rôles secondaires : l'agent du KGB, la commissaire politique, l'entraîneur, etc. L'agent du KGB est en veste de cuir noir, chapeau à la Scarface, lunettes rondes cerclées d'acier, et sadique à souhait. La commissaire politique est sanglée dans son uniforme marron, cheveux tirés, à moitié frigide. Tous ces personnages secondaires confortent des clichés sur un peuple et une époque, le procédé relève de la grosse ficelle, c'est dommage. En 1946, Staline promet l’amnistie aux Russes émigrés à l'Ouest qui reviendront en URSS. Le docteur Alekseï Golovine (Menchikov) rentre au pays, suivi de sa femme française Marie (Bonnaire) et de leur fils Serioja. Arrivés en Ukraine, le régime arrête ces « traîtres » à la Russie. Les autorités épargnent les Golovine, car l'URSS a besoin de médecins. Ceux-ci tentent de s'adapter, de survivre. Marie repasse les chemises des soldats des choeurs de l'Armée rouge. Alekséï travaille, il est docteur en médecine du travail. Mais au milieu de cette vie sous surveillance, Marie craque. Elle cherche toutes les occasions possibles pour fuir vers la France, alors que même l’ambassade de France ne lui est d’aucune aide, son passeport français ayant été détruit à son arrivée. Le Théâtre National Populaire est en tournée à Kiev, avec Gabrielle Delevay (Deneuve). Rentrée en France, elle recueillera le jeune Sacha (Bodrov), champion en natation et discrètement amoureux de Marie, et qui a pris des risques énormes pour passer à l'Ouest. Puis elle aidera Marie à faire de même, pour respecter le serment qu'elle a fait à Sacha. On ne comprend qu'à la fin du film qu'Alekéï avait manigancé la fuite en secret, en liaison avec Gabrielle Delevay, pour son fils et sa femme, tout en donnant des gages au régime (il rentre même au Parti). Cela lui a pris dix ans. Il rejoindra sa famille encore trente ans plus tard, sous Gorbatchev. La manière de Warnier est académique et efficace, et narre une histoire correctement montée. La tension dramatique est régulièrement relancée. Les personnages ne manquent pas d'épaisseur, et sont tous attachants, avec leurs qualités et leurs faiblesses. Notons la belle performance de Menchikov qui a du apprendre le français pour l'occasion! On sait gré au réalisateur ne n'avoir pas dépeint l'Occident mirobolant, censé représenter le "monde libre", comme disait la propagande téléguidée par la CIA aux grandes heures de la guerre froide. Car avec le recul, et même en considérant le caractère dramatique qu'a pu avoir le régime soviétique, cet Occident était surtout (et est encore !) un puissant miroir aux alouettes. Mais ceci n'engage que nous et dépasse le cadre de la stricte critique cinématograque... En français et en russe. Le russe est simple! Régis Warnier, couleurs, 1999, 121 min. |
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LE BARBIER DE SIBERIEСИБИРСКИЙ ЦИРЮЛЬНИК |
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Au
temps d'Alexandre III, une aventurière américaine (la
sémillante Julia Ormond), vient en Russie et ravage
les cœurs, entre
autres celui
d'Andréï (Oleg Menchikov), cadet de l'armée
impériale. Les dégâts seront considérables!
L'héroïne ne s'en rendra compte que bien tard...
L'intrigue
est tourmentée, passionnée, lyrique. Tous les acteurs
sont à la hauteur de cette galerie de personnages
hauts en
couleurs ; le père extravagant de l'aventurière,
inventeur
d'une machine à ratiboiser les forêts (le "Barbier de
Sibérie"), les camarades
d'Andréï, son capitaine, son général, sans
compter les deux héros eux-mêmes. Michalkov lui
même
interprète
le tsar avec superbe.
Le tout
servi par une photographie et une musique splendides,
généreuses,
sensibles. L'auteur des "Yeux noirs"
atteint
même quelques moments de haute maîtrise
cinématographique (les camarades d'Andréï le
cherchant à la gare, la cérémonie au Kremlin) et
d'émotion pure. Ceux qui ont fait les écoles
militaires
vivront avec plaisir les chahuts, les bahutages, les
interdits qui
émaillent la première partie du film. Un film
fougueux,
excessif, sentimental. Un film russe ! A voir sans
modération, une vodka
glacée à la main.
Il existe une critique, française et russe, qui a boudé, quand ce n'est pas démoli ce film au prétexte de son côté cliché, carte postale. Un film pour l'exportation? Il n'est pas certain que les arrière-pensées politiques n'en soient pas absentes. La discution reste ouverte. Nikita Mikhalkov, couleurs, 1998, 180 min. |
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L'ARCHE RUSSEРУССКИЙ КОВЧЁГ |
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Evidemment,
si l'on aime la Russie, l'histoire, l'art,
Saint-Pétersbourg, le musée
de l'Ermitage, le film de prime abord ne peut
qu'attirer. Lors de sa
sortie, un public réputé cultivé en a fait quelques
gorges chaudes. On
s'extasia d'abord sur la prouesse technique d'un
unique plan-séquence,
en mentionnant qu'il fallut s'y reprendre à trois
fois, en omettant de
préciser cependant que le numérique permet bien plus
facilement ces
acrobaties qu'au bon vieux temps de l'argentique et du
celluloïd. On
admira ensuite la grandeur, bien réelle, des lieux et
de l'histoire
qu'elle évoque. Ou les milliers de figurants et les
costumes. Sans
compter la symbolique prétenduement fulgurante du
titre.
Le fantôme du marquis de Custine, qui fut un diplomate français et un observateur assez impitoyable de la Russie et des Russes au cours de la première moitié du XIXe siècle, comme en témoignent ses "Lettres de Russie", déambule dans les salles de l'Ermitage, filmé par une "caméra subjective", qui représente le regard de l'homme contemporain. Le parcours du marquis est le prétexte à un discours qui peut se décomposer en trois aspects: des considérations verbales - et verbeuses - sur la Russie, une présentation de la pinacothèque classique européenne du musée (Van Dyck, Rubens, ...), et quelques reconstitutions historiques, qui remplissent opportunément le film. Seul ce dernier aspect est réussi, dans un domaine que l'on maîtrise pour autant très bien aujourd'hui : une caméra pour le coup habile et véritablement à l'aise, une bonne maîtrise d'ensemble permettent de restituer par exemple la scène tendue des excuses officielles de la Perse à la cour du tsar suite à l'assassinat de Griboïedov, ou encore une très bonne scène de bal sous Nicolas II, à la fin du film. Concernant le premier et le deuxième aspect, le travail était plus difficile. Le résultat n'est ni original, ni réussi. Evacuons la déplorable présentation des œuvres de maîtres. Cadrées de guingois, filmées à la diable, piteusement éclairées, elles sont si mal présentées que leur emploi dans le discours du marquis en sera vite oublié. En outre, pour en parler, celui-ci croise dans les différentes salles quelques contemporains complètement saugrenus dont la présence pollue littéralement le film (la vieille excentrique, le jeune niais). Reste le premier aspect : les considérations du marquis, son questionnement sur la Russie et ses rapports à l'Europe. Eh bien ! Ce n'est pas du même tonneau que les Lettres originales, qui étaient, elles, un témoignage acide mais pour autant charpenté, consistant. Ici, c'est plutôt un pot-pourri de clichés, dont certains sont fort éculés : la Russie ne sait que recopier, elle ne peut appliquer les concepts occidentaux, etc. On nous ressert même cette vieille gamelle : les interdits qui étouffent la vie en Russie, et font des Russes un peuple de garde-chiourmes imbéciles. En somme, un dicours inoriginal et surtout bien creux sur un sujet pourtant séduisant. Il fallait sans doute bien davantage de souffle et de talent pour parler du destin de la Russie ! Alexandre Sokourov, couleurs, 2002, 93 min. |
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L'ÎLEОСТРОВ |
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Voici
un film extraordinaire à tous points de vue. D'abord
parce qu'on y
rencontre une spiritualité qui a déserté depuis belle
lurette
l'Occident ventripotent, confit de confort, engoncé
dans ses certitudes
et ses
turpitudes. On ne trouve pas d'équivalent sur les
écrans de nos salles
obscures, à moins de remonter aux curiosités
archéologiques
bien
oubliées de Dreyer ou de Bresson.
Ensuite parce qu'il est le porte-parole d'une
foi exigeante.
On
voit d'ici les loups hurler à l'obscurantisme ou au
fanatisme, tant le moindre souci d'exigence font
passer
aujourd'hui pour un dangereux extrémiste, y compris
d'ailleurs dans le
domaine temporel.
On pense tout de suite à Dostoïevski et à ses personnages en recherche de Vérité. Laquelle se double d'une sorte de sublime folie, stigmatisant par contraste l'hypocrisie et l'orgueil des médiocres. Mer Blanche, 1942. Sur ordre des Allemands, Anatoli tue son compatriote Tikhon pour sauver sa propre vie. 1976. Recueilli par le monastère voisin, voici plus de trente ans que le Père Anatoli s'occupe de la chaufferie. Il vit dans la chaleur brûlante des flammes, dans la crasse du charbon, et surtout dans l'immense remords de son péché. Farceur, parfois menteur, il semble atteint de déraison. Son supérieur comme les autres moines ne savent comment le prendre, le réprouvent et en même temps admirent sa pureté, parfois avec jalousie. Anatoli possède aussi un don thaumaturgique. On vient le voir de loin pour être guéri. Et un jour, c'est Tikhon, qui a survécu à sa blessure, qui lui présente sa propre fille pour la guérir de la folie. Tikhon avait depuis longtemps pardonné. Anatoli peut enfin mourir en paix. Il faut faire une mention spéciale de la photographie, parfaite sans pour autant pêcher par esthétisme. Cadrée au millimètre, d'un contraste admirable, sur des tons sombres et bleus, elle a la force du noir et blanc bien maîtrisé. On retrouve l'exigence dans la forme; et l'on se souvient que la force de la portée d'une œuvre ne passe pas par le laisser-aller prétenduement créatif que l'on a trop confondu avec la fantaisie et l'imagination. "Seule la contrainte est créatrice", disait Baudelaire parlant de la technique du sonnet. Les chemins de l'ascèse sont difficiles. Ils sont bien abandonnés. L'auteur de "Taxi Blues" a su s'y engager avec talent. Pour nous retremper l'âme quelque instants. Pavel Lounguine sera-t-il un nouveau Tarkovski ? Pascal Mérigeau, Le Nouvel Observateur, janvier 2007 : «Un miracle pour commencer l'année, ça vous dirait? Si oui, vous adresser à Anatoli, un moine opérant sur une île au milieu d'un océan de neige et de glace, quelque part très au nord. Un peu loin et compliqué, peut-être? Soit. Plus simple, alors, et plus sûr aussi: courez voir le nouveau film de Pavel Louguine. Le cinéaste y retrouve Piotr Mamonov, rock-star russe qui fut le saxophoniste de son premier film, "Taxi Blues". Une manière pour Lounguine de refermer une boucle, lui qui a passé plusieurs années en France à réunir les fonds qui lui permettaient de financer les films qu'il tournait en Russie. Les sources se sont taries, c'est en Russie qu'aujourd'hui l'argent coule à flots, c'est là-bas qu'il vit et travaille désormais, là-bas que "L'Ile", sorti en novembre 2006, a remporté un succès considérable et fait ainsi la nique aux superproductions hollywoodiennes. Il a fallu plus d'un an pour qu'un distributeur français (le coup de chapeau va à Rezo Films) se décide enfin à le sortir, mais peu importe, le film est là, dont la beauté sereine et la profondeur font le prix. «L'Ile» vient au moment opportun, son triomphe russe en témoigne, et répond sans se pousser du coude à un besoin de spiritualité jamais plus réel que quand non proclamé.» L'Humanité, janvier 2007 : «Il arrive qu’une image qui s’attarde, apparemment inutile dans le fil d’une action, et qui à coup sûr serait vite expédiée, sinon coupée, dans un film soucieux d’aller droit au but de la démonstration, fasse qu’on s’attache à une histoire qu’elle colore tout à coup. Ainsi en va-t-il de ce bateau d’enfant, bout d’écorce de pin, minuscule voile en papier qu’un moine met à l’eau dans la mer Baltique. C’est dans l’Île, de Pavel LOUNGUINE, et l’on suivra ce jouet ridicule un bon moment, tournant en rond, donnant de la bande, chavirant mais insubmersible et qui porte à Dieu les voeux de ce moine passablement détraqué. On aime que le cinéaste consacre tant de temps à cette navigation, car on sait alors que c’est tout ce film un peu fou qui avance comme cet esquif lancé sur une mer trop grande pour lui. On pourrait, comme pour l’Homme qui marche, dire que Pavel Lounguine est tombé un jour sur ces îles du grand Nord, mer glauque, neiges fondues, maisons de bois et qu’il s’est dit qu’il ne pouvait se passer là que des évènements extraordinaires. Ainsi est né son personnage moine demeuré, rongé par le souvenir d’un meurtre qu’il commit par lâcheté dans une autre vie, sa vie sociale. Chauffeur de chaudière cloué à son travail de forçat, il s’est inventé un double caché, le père Anatoli faiseur de miracles à sa place. On pense bien sûr à Dodtoïevski, poids et délectation du péché qui sauve les âmes, mais le film est loin de s’y réduire. C’est la folie d’un lieu perdu qui est ici première et parce que, de l’antre noir où opère le moine chauffeur aux horizons noyés de brumes d’où émerge un bateau, un vrai, le cinéaste filme jusqu’à l’obsession ce paysage, on sait bien que ce n’est pas l’histoire d’un seul homme qu’il raconte, aussi singulier soit-il. Cette île est l’image d’un monde malade, rongé par le mal, assoiffé de beauté. Qu’il ait su le dire sans grand discours, en arpentant patiemment quelques kilomètres carrés de terre et d’eau fait sa force.» Nicolas Seneze, La Croix, janvier 2007 : «Une plongée au coeur de l'âme russe. Engageant son héros sur le chemin de la rédemption, Pavel Lounguine part à la découverte du trésor spirituel de l’orthodoxie. "Pour dire du bien de la Russie, Pavel Lounguine a dû venir explorer l’âme orthodoxe de son peuple!" Cette remarque d’un spectateur, à la sortie d’une avant-première de "L’Île", résume bien l’atmosphère du huitième film du réalisateur russe, surtout connu pour ses satires sociales de l’ère post-communiste. Dans cette description de la vie d’un petit monastère du nord de la Russie à l’époque soviétique, Pavel LOUNGUINE (prix de la mise en scène à Cannes en 1990, avec "Taxi Blues") plonge au tréfonds de l’âme russe. Sans aucun doute, les spécialistes noteront nombre d’invraisemblances sur la vie monastique orthodoxe. Mais là n’est pas le propos de ce film magnifique qui est avant tout un portrait de la RUSSIE spirituelle, entre prière du cœur et psaumes maintes fois remâchés. Au centre du film, le Père Anatoli (campé par l’incroyable Piotr Mamonov), ancien marin qui, après avoir trahi son ami pendant la Seconde Guerre mondiale pour sauver sa propre vie, s’est échoué sur une petite île où des moines l’ont recueilli. Devenu un "starets", dans la tradition de ces pères spirituels si importants dans la vie religieuse russe, le vieux moine fantasque, tout à la fois guérisseur, devin et conseiller, a acquis une réputation de sainteté. De toute la RUSSIE soviétique, on vient le visiter, lui demander conseils et prières. Mais le vieil homme, tourmenté par la faute qui l’a mené au monastère, se sent indigne de cette sainteté et sème le trouble dans son monastère. Car le Père Anatoli est aussi un "fol en Christ" facétieux et farceur, un vagabond de Dieu, personnage clé de l’orthodoxie russe, qui simule la folie des hommes pour mieux symboliser celle de la vie chrétienne. Pour le "fol", le renversement des valeurs morales, les jongleries du non-sens, de la déraison, manifestent une très sérieuse quête du sens [...]. Portant la faute de sa jeunesse comme un fardeau, le Père Anatoli est en quête de rédemption. Jouant sur le thème de la culpabilité, Pavel Lounguine reprend un sujet cher à la littérature russe, de Dostoïevski à Tolstoï. Et essentiel dans la spiritualité orthodoxe où le pêcheur n’est jamais confiné dans sa faute. C’est en bousculant son supérieur, le Père Philarète (Viktor Soukhourov), à qui il rappelle sans cesse la nécessité de la pauvreté, en scandalisant le Père Job (inquiétant Dmitri Dioujev) par ses questions qui ramènent l’ambitieux moine sur le chemin du sens de la foi, que le Père Anatoli finira par trouver le pardon.» Pavel Lounguine, couleurs, 2006, 113 min. |
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ОТЕЦ |
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Un film de guerre, sans la guerre... |
Voilà
un honnête
film d'auteur. Avec des acteurs qui jouent, une
densité psychologique,
et de bonnes questions sonnant juste.
La "grande querre patriotique" est terminée. Alekséï, un capitaine de l'Armée Rouge (Алексей Гуськов), doit se séparer de ses hommes et rentre chez lui. Il a survécu au drame, sa famille également. En chemin, il rencontre Macha, qui a perdu ses parents, et va vivre quelques jours avec elle pour la soutenir. Ils ne pourront pas s'oublier. Enfin chez lui, c'est d'abord la joie des retrouvailles avec sa femme Liouba, son fils et sa petite fille. Mais cette dernière ne l'a pas reconnu. Et la peur et le doute s'installent très vite. La peur de ne savoir reprendre le cours des choses, la peur de voir échapper ces enfants qui ont grandi sans leur père. Et pour le couple, le doute, à cause de ces années volées par la guerre. Qu'ont ils fait l'un et l'autre pendant tout ce temps? Qui est cette Macha dont le prénom parcourt les lèvres d'Alekséï endormi? Qui est ce Nikolaï qui s'occupait de la famille alors qu'Alekséï était au front? Alekseï et Liouba pourront-ils vivre et s'aimer comme auparavant? Après avoir survécu à la guerre, il va falloir survivre à la fracture créée par celle-ci. Rien n'est plus comme avant... et la confiance nécessaire aux liens familiaux est dramatiquement entamée. On se met facilement à la place des personnages. C'est un signe que le film est réussi. Qu'aurions nous été, qu'aurions nous fait à leur place? Полина Кутепова est parfaite dans le rôle de l'épouse, très digne. Le fils aîné, qui a supplanté le père en son absence, a remarquablement été dirigé dans son jeu. La sobriété de ton dans les couleurs, dans la musique et le montage est de bonne facture. Nous avons trouvé le russe très intéressant. Nous sommes évidemment dans le registe parlé, et il y a quantité d'enseignements à en tirer, notamment sur l'ordre des mots (c'est le plus frappant). Le site du film : www.otets.ru Ivan Solovov, couleurs, 35 mm, 2007, 82 min. Attention, il y a plusieurs films homonymes, dont un de Nikita Mikhalkov. |
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12 |
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Le huis clos est une
technique
difficile, surtout s'il s'agit d'un remake.
Il
y avait un risque considérable à tourner une version
plus lassante que
l'original, et de surcroît sur un sujet aussi peu
captivant a priori.
Eh bien! Mikhalkov
s'en tire bien malgré quelques maladresses, prouvant
ainsi, s'il en
était besoin, qu'il reste un très grand cinéaste en
abordant encore un
nouveau genre : le thriller,
façon 10 petits nègres.
Le film de Sidney Lumet, "12 angry men", avec l'inoubliable Henry Fonda, avait déjà captivé nombre de spectateurs et de cinéphiles lors de sa sortie en 1957. Le scénario racontait l'histoire d'un juré qui réussissait à convaincre un par un les onze autres de l'innocence d'un meurtrier présumé de son père. L'ambiance était étouffante, les dialogues brillants; une saisissante galerie de portraits et de profils psychologiques accaparait l'écran, et on ne sortait de la salle de délibération qu'au début et à la fin du film. Tout comme dans le film de Mikhalkov. Cependant ce dernier a bien entendu actualisé le sujet: le meurtrier présumé est un jeune Tchétchène, qui aurait assassiné un officier soviétique, lequel est son père adoptif. Au niveau du montage, plusieurs flashbacks sur l'enfance tchétchène de l'accusé sont insérés au cours des délibérations. Mais c'est le dénouement qui distingue véritablement les deux films: le président du jury (Mikhalkov), peintre, est également un ex-officier de renseignement. Il savait que l'accusé était innocent dès le début, et pourtant vote pour l'acquitement en dernier. Il recueille ensuite le jeune garçon et lui promet de retrouver le meutrier de son père adoptif. Les délibérations ont lieu dans le gymnase d'une école, réquisitionné pour l'occasion. Etrange décor, bien moderne. Tout aussi actuels sont les jurés: un chauffeur de taxi raciste (Sergei Garmarsh), un juif rescapé des allemands (Valentin Gaft), un directeur de chaîne de télévision (Youri Stoyanov), un riche chirurgien géorgien (Sergueï Gazarov), un directeur de cimetière (Alekseï Gorbounov), un humoriste (Mikhail Yefremov), un constructeur immobilier (Viktor Verjbitsky), un professeur d'université (Roman Madyanov), un militant des droits de l'homme (Sergueï Artsybashev). Quant au premier juré à voter l'innocence de l'accusé, c'est un inventeur raté qu'une femme a sorti de la déchéance: rôle remarquable joué par Sergueï Makovetsky, personnage tourmenté par qui le doute arrive. Au fur et à mesure des interventions des uns et des autres, on délibère, on se livre à des reconstitutions, on vote et revote la culpabilité de l'accusé. Qui sera finalement acquité après quelques retournements du jury. On ressort soulagé. "Не виновен!" Les acteurs sont tous excellents, évoquant leur vie ou faisant part de leurs doutes lors de leurs interventions: ces monologues sont de véritables morceau de bravouve et l'on est bien aise de ce retour bienvenu de la prééminence du jeu d'acteur dans un cinéma tellement américanisé. Seul Mikhalkov, quoiqu'à l'aise bien sûr, a un jeu un peu faible en comparaison. D'ailleurs il aurait du se tenir en retrait de son film. La caméra faiblement mobile rend bien l'atmosphère tendue et exploite toute la gamme des lumières artificielles, du néon à la bougie en passant par la lampe torche et les projecteurs. Même les flashbacks en décors naturels sont monochromes ou très sombres, et sont traités sur un mode presque onirique. La musique très discrète concourt aux mêmes effets étouffants et pesants. On regrettera seulement un ou deux effets spéciaux exagérés et sacrifiant à la mode du spectaculaire, comme la seringue se fichant dans une cible ou le couteau (importante pièce à conviction) allant se planter dans la table des jurés. Ce genre d'effets à la Steven Seagal sont complètement déplacés ici. Dommage... Le russe est difficile, parfois rapide, parfois distinct, souvent avalé, c'est fonction des personnages. Le manque d'action n'aide pas à la compréhension. A réécouter plusieurs fois patiemment ! Notre lexique franco-russe détaillé du film : lexique. Le site officiel du film: http://www.trite.ru/projects_in.mhtml?PubID=124 Nikita Mikhalkov, couleurs, 35 mm, 2007, 233 min. |
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MONGOLМОНГОЛ |
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«Не
презирай
слабого детёныша, он
может оказаться сыном тигра»
(Inexactement traduit sur la VOST: ne sous-estime pas
le jeune chiot,
il peut devenir un tigre féroce). C’est avec ce
proverbe mongol que
débute le film. Et c’est parti pour deux bonnes heures
de grand
spectacle, au XIe et XIIe
siècles dans les lointaines steppes, loin de
notre société de consommation consensuelle et avachie.
De quoi se
dégourdir les nerfs sans assassiner personne.
Le Film du réalisateur russe Sergueï Bodrov (Le prisonnier du Caucase, Nomade) est vendu par le distributeur français comme «l'incroyable destin de Gengis Khan» (cf. affiche ci-contre, d'ailleurs pas particulièrement réussie). Mais le film s'arrête à la naissance politique de ce dernier, lorsque Temudjin devient «l'empereur océanique» et le «maître des trônes et des couronnes». L'acteur japonais Tadanobu Asano campe un Temudjin convaincant, l'actrice Ying Bai est une splendide Bôrte, les paysages sont magnifiques. Le tournage a eu lieu en 2005 en Chine au Kazakhstan et en Mongolie Intérieure. L'équipe du film, dont le financement est russo-germano-kazakh, était composée de près de 600 personnes et de plus de 1000 figurants. Une équipe déjà éprouvée par Bodrov sur son film précédent, "Les Nomades", notamment les cascadeurs kazakhs et Kirghizes. On n’insistera pas sur les aspects techniques pour cette note critique : la prise de vue dans ce type de films à grand spectacle, dignes successeurs des peplums des années 50, est parfaitement maîtrisée. Le rythme fait complètement oublier l'emploi de l’hélicoptère, pourtant très largement utilisé. Pas d’abus du numérique, photo soignée, musique locale judicieusement choisie. Notons que le film est en mongol, et que, en vrai cinéphile, nous vous encourageons à le voir en VOST. Fils du chef Yesügei, l’enfant du clan des Bordjigin connaît une rude jeunesse parsemée d’épreuves. A neuf ans, en 1164, il se fiance à Börte, du puissant clan des Hongras, n’écoutant que mollement les conseils de son père sur le choix des femmes (par ailleurs assez savoureux, nous vous les laissons découvrir par vous-même!). Ce dernier meurt peu après, empoisonné par les Tatars. Temudjin étant trop jeune, le clan lui refuse allégeance et c'est le clan des Taïdjiourtes qui règne sur les steppes. Il est capturé par une tribu rivale. Il porte la cangue des esclaves, mais il réussit à s'échapper avec l'aide d'un de ses ravisseurs. Des amis fidèles, des cavaliers sont attirés par son fort caractère. Vers 1181, il épouse Börte qu’il n’a pas oublié. Hélas, elle est enlevée par la tribu des Merkit. Temudjin, avec l'appui de Toghril et de Djamuqa, chef des Djadji-rat, écrase les Merkit sur les bords de la Buura et délivre sa famille. C’est la première fois qu’un chef Mongol fait la guerre pour une femme ! Comme quoi l’amour courtois chevaleresque a pu naître aussi dans ces rudes contrées. Un premier fils Djötchi naît en 1182, quelques mois seulement après la libération de Börte, ce qui nourrira quelques doutes quant à son ascendance. Temudjin, parti de rien ou presque, issu d'un clan dispersé, réussit le prodige d'unir sous sa bannière tous les Mongols avant de les lancer à la conquête des steppes. Le futur Gengis Khan et ses descendants régneront sur la Chine, la Perse, le Moyen-Orient et une grande partie de la Russie et de l'Europe de l'Est. Le site officiel du film (en russe et en anglais), très bien fait : http://www.mongolfilm.ru Sergueï Bodrov, couleurs, 135 mm, 2008, environ 130 min. |
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AMIRALАДМИРАЛЪ |
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«И
пребывают с нами Вера, Надежда, Любовь, но Любовь из них
больше»
Le film est consacré au destin tragique de l’amiral Alexandre Vassiliévitch Koltchak entre 1916 et son exécution par les bolcheviks en 1920, ses exploits militaires et son rôle d'officier blanc, et à son amour pour Anna Vassilievna Timiriova. Cette superproduction a d'ores et déjà connu une popularité record en Russie. Les moyens consentis ont certes été considérables, et la publicité remarquablement orchestrée. On attendait bien davantage d'un sujet aussi important. D'abord dans la perspective du rapport des Russes à leur Histoire, rapport qui est en train d'évoluer d'une façon significative à plusieurs points de vue. Ensuite parce que le sujet est fabuleusement empli de références historico-littéraires, entre la trahison des Occidentaux et l'agonie des troupes blanches, l'épisode de la Légion Tchèque, en passant par les nombreuses réminiscences qui gravitent autour du transsibérien, de Blaise Cendrars à Corto Maltese. Nous partions donc avec un préjugé largement favorable. Même l'hypothèse que le film soit une opération de propagande à tendance historico-patriotique ne nous gênait pas outre-mesure. Las ! C'est la déception quasi-totale. Certes, les batailles en mer et sur terre sont une fois de plus une prouesse technique de ce type de production. Osons dire pourtant que s'il n'est pas question de les bâcler, ce ne sont pas ces scènes en elles-même qui font les grands films. Tout ce qui relève de la technicité est presque parfait (encore que quelques scènes en mer sentent le studio), mais on n'en doutait pas, compte tenu des moyens consentis et des savoir-faire actuels. Mais où sont les acteurs? Si les actrices, avec néanmoins quelques allures de starlettes un peu décalées, s'en tirent à peu près (Elizaveta Boyarskaya dans le rôle d'Anna Vassilievna Timiriova, Anna Kovaltchouk dans le rôle de l'épouse de Koltchak), les hommes sont mièvres, étrangement mièvres, regrettablement mièvres, à commencer par Konstantin Khabenski dans le rôle de Koltchak lui-même ! Koltchak était pourtant un personnage particulièrement sexué. L'entendre dire à sa maîtresse, avant de la quitter, "Я Вас люблю" sur le ton de "Ah tiens, j'ai oublié le pain", non, non, vraiment, ça ne passe pas. Et ce n'est pas la présence ponctuelle de Richard Bohringer dans le rôle du général Janin qui relève le tout. Même la musique, pourtant assez agréable au départ, glisse dans la ritournelle. Le montage, linéaire et conventionnel, comporte une incongruité à la fin, on se retrouve de nos jours dans les studios de la Mosfilm, mais ce "flashback dans le futur" n'apporte rien. Pas d'élan, pas de souffle; on attend évidemment dans ce type de film une consistance, une épaisseur dans les relations de Koltchak avec ses hommes ou avec ses pairs, ou entre Koltchak et sa maîtresse ou son épouse, mais là encore, c'est la mièvrerie qui prévaut. Les textes sont inégaux. On appréciera bien sûr le russe des lettres d'Anna Timiriova à l'Amiral, et dont une des phrases figure en épigraphe de la présente critique en guise d'avant-goût. Mais concernant les dialogues, la langue même semble castrée de ses accents tour à tour profondément virils ou féminins par la platitude des sentiments ! Le film prend un tour américano-hollywoodien, mais pourtant ce n'est ni "Braveheart" ni "Gladiator", qui restent les références obligées du genre dans le cinéma contemporain. Espérons que le cinéma russe, assez prometteur ces dernières années, ne s'enlise pas dans cette ornière. Décidément, là comme ailleurs, ce n'est pas l'argent qui fait le talent. Le site officiel du film: http://admiralfilm.ru/ Andreï Kravtchouk, couleurs, 135 mm, 2008, 124 min. |
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TARASS BOULBAТАРАС БУЛЬБА. ЗАПОРОЖСКАЯ СЕЧЬ |
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Une affiche à la mesure des acteurs: inégaux. Acteurs nunuches et effets spéciaux: où va le cinéma russe? Николай Васильевич Гоголь, en statue à Saint Pétersbourg En fera-t-on un écrivain ukrainien ? |
Il
ne suffit pas de disposer de gros stocks d'hémoglobine
pour faire de
bonnes
scènes de combat, ni de trouver des jolies filles et
de beaux garçons
pour tourner de bonnes scènes d'amour. Le film se
caractérise par une surenchère de scènes de guerre qui
se répètent ad
nauseam, et un
jeu très
inégal des acteurs, en particulier ceux de la jeune
génération, hélas.
Sans parler de la
musique, qui a été bâclée. Nous
suivons l'avis de
l'inamovible président
de l'Union des cinéastes de Russie, Nikita Mikhalkov,
lorsqu'il dénonce
l'américanisation
du cinéma russe (et mondial);
"américanisation" étant entendu, faut-il le préciser,
au sens de cette
enflure du spectacle pour le spectacle, avec ces
avalanches d'effets,
spéciaux ou non, qui supplantent le jeu d'acteur,
voire l'intrigue,
c'est à dire ce qui fait l'essentiel d'un film
d'auteur.
Ceci étant, qu'on se rassure, nous vénérons les immortels chefs-d'œuvre du cinéma américain, car ceci, comme dirait Kipling, est une autre histoire. Signalons d'ailleurs au passage une version américaine de 1962 avec Yul Brunner dans le rôle de Tarass Boulba. Un argument qui manque d'arguments L'argument du film suit la nouvelle de Gogol. Nous voilà plongé dans l'Ukraine du XVIIe siècle, chez les cosaques Zaporogues. Tarass Boulba, chef cosaque et forte figure à l'humeur belliqueuse, compte sur ses deux fils Andréï et Ostap, frais émoulus de leurs études kiéviennes, pour bouter le Polonais, au nom de la défense de la foi orthodoxe et de la terre russe. Alors que l'on guerroie férocement et sans quartiers, voilà qu'Andreï passe à l'ennemi par un soir de siège, pour retrouver la fille du gouverneur polonais, dont il était tombé amoureux dès la première vision - scène qui restera d'ailleurs comme un monument de niaiserie - et dont il aura peu après un enfant. Plus tard, Tarass fait piéger son fils dans un cul-de-sac, et ne pouvant lui pardonner sa trahison, l'abat lui-même. "Что, сынку, помогли тебе твои ляхи?". Cette scène aurait du être un morceau de bravoure à la Mérimée. Hélas ! Qu'Andréï est inconsistant, là comme ailleurs! Plus tard, Tarass verra sous ses yeux son autre fils Ostap torturé en place de Varsovie, avec force craquements d'os et globules rouges bien épais, avant d'être lui-même capturé et brûlé vif par les Polonais. Des arrière-pensées politiques ? On a reproché au néo-communiste ziouganovien Bortko d'avoir caricaturé les peuples comme d'être un agent de propagande pan-russe. Il est vrai que le portrait des Ukrainiens comme des Polonais ne fait pas dans la finesse, nonobstant la rudesse certaine des temps, qu'il faut bien entendu se garder de juger à l'aune des Droits de l'Homme et autres dogmes contemporains, sous peine d'un anachronisme pourtant d'ailleurs fréquemment répandu. Le plagiat du célèbre tableau de Répine, "La Réponse des cosaques zaporogues au Sultan de Turquie", tourne au procédé systématique et à la grose ficelle: même les Vikings de Kirk Douglas nous paraissent en regard un modèle d'analyse psychologique. Les catholiques Polonais sont engoncés et sadiques à souhait, on croirait les Espagnols de Fellini dans "Amarcord", mais voilà, Bortko n'est pas Fellini ! Quant aux Juifs, ils n'ont certes pas le beau rôle, cependant c'est peu de chose en comparaison de la charge de Gogol dans sa nouvelle. Pourtant il convient de n'entrer que prudemment dans ces débats à caractère politique. Si la référence à la "русская земля" est incessante dans la bouche des valeureux grognards cosaques expirant sur le champ de bataille, et ressemble à la méthode Coué, c'est pourtant bel et bien un pan de l'histoire de l'Empire russe qui s'est jouée en ces contrées, quelles qu'aient pu être les rivalités ou les luttes d'influence au sein de cet Empire. L'actuel nationalisme de paille, et surtout téléguidé, de l'Ukraine indépendante n'y changera pas grand-chose. Le réalisateur avait su s'imposer avec succès grâce à ses adaptations de "Cœur de chien" ou de "L'idiot", semble-t-il. Croit-il désormais que le talent se mesure en nombre de figurants et de cascadeurs? A moins qu'il ne s'agisse que d'une œuvre de commande... Ce n'est pas une raison, "Alexandre Nevski" en était bien une! Notre dossier franco-russe du film (lexique cosaque, données historiques et culturelles, liens utiles) : dossier. Le site officiel du film : http://tarasbulbafilm.ru Une critique intéressante : http://www.grani.ru/Culture/Cinema/m.149645.html Запорожская Сечь: une tradition ukrainienne? http://www.rg.ru/2009/07/03/ukraina.html Vladimir Bortko, couleurs, 135 mm, 2009, 100 min. |
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JAQUETTES DVD | ||||||
Nous mettons ici en téléchargement des jaquettes de films russes ou soviétiques pour habiller vos boîtiers DVD. Conçues au format, elles sont directement à découper après impression sur un support légèrement cartonné de dimension A4. Bien entendu, les indications avec l'outil "WordArt" peuvent être modifiées ou supprimées à volonté. | ||||||
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FICHIERS SOUS-TITRES | ||||||
Nous mettons ici en téléchargement des fichiers de sous-titres russes et français, à lire avec vos fichiers vidéo de films russes et soviétiques. Rappel: le fichier sous-titre doit avoir exactement le même nom que le fichier vidéo pour être lus ensemble. La plupart des lecteurs multimédias ont une fonction de synchronisation en cas de besoin. | ||||||
RESSOURCES INTERNET | ||||||
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Rubrique ouverte le 02/10/2007 | ||||||
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